mardi 28 juillet 2009

Une ville

I

Dans les relents éthylisés j'ai vu ton ombre s'écraser sur le trottoir
Sous un soleil de titane j'ai humé ta fleur et tes embruns rapides
Sur la voie ferrée des vendeurs de bitume, j'ai roulé, sur tes yeux, désemparés

Au fond des tunnels de crinoline : la mer
Sur le parking des hautes montagnes : le lac

Tu plantes ton érection dans l'œil du touriste
Tu dévores, avec tes canines plaquées d'or, les fils des grandes sociétés
Gras et immobiles, dans leurs carcasses

Tu sèches au soleil, tu alanguis ta peau dorée et brumeuse
Tu souffles, dans mon oreille et dans ma tête, le froid déconcertant des villes mortes
Tu glapis comme un agonisant qui s'ennuie, en attendant la fin
Tu retiens ta respiration, sans jamais exploser

Dans mon coin, j'observe tes acariens avec mon microscope
Et j'entends les râles de tes moteurs auxiliaires
Et je cligne des yeux sous la lumière des phares, des voitures de luxe


II


C'est le jardin urbain des fleurs pourrissantes
Dans la flamme des gaz acryliques il y a un soleil bleuté qui circule
Dans la termitière minéralisée et dans la climatisation
Les escrocs patentés atterrissent par ordre de préséance
Et tapent des pieds pour couvrir le grincement des dents des affamés

Les murs s'encrassent de barbelés jaunes comme la pisse
Pour camoufler des murs-tombeaux
Les soubresauts t'investissent, les voleurs moyens s'activent
Et la volaille, alourdie par l'élevage intensif, trébuche dans les pavés, en croassant

Trois jours de rêve, paradis des plaisanciers voyeurs
On nous avait promis l'enfer pourtant, on nous avait promis les cadavres des téméraires Jeunes, musclés et innocents

Mais soudain, les foules envahissent les trains et les autoroutes et c'est l'exode
Les cafards volants éteignent leurs projecteurs et laissent leur place aux buses effarées

Le ciel a retrouvé sa couleur d'origine

III


Des traits virevoltent dans le ciel jaune et bleu au dessus de l'eau incolore et plate
La lumière de l'après midi supprime les contours et les formes
La chaleur, encore

Je croise des gens occupés ou fatigués, à un ou à plusieurs, ils passent
Il n'y a pas de vent, il n'y en a jamais eu, on croirait presque
A ce mensonge

Dans la danse automobile j'avance au gré des gaz d'échappement
Et la population devient plus dense
Vers la gare

Au delà il y a mon coin, mon quartier, mes rues
J'aperçois mon balcon au dessus des fleurs
Des voisins

Je rentre chez moi


IV


Viens, on va se balader, rencontrer la grande fontaine
Au bord de l'eau comme tout le monde, on rit
Des personnages à roulettes croisent nos trajectoires avec agilité
Les mains se réchauffent à la chaleur de l'été

Le jour a disparu, il y a peu d'étoiles par ici
Mais la chape de plomb n'entame pas notre bonne humeur
Et les ampoules cernent le lac pour l'empêcher de déborder

La promenade nocturne ne fait que commencer
On va enfin pouvoir respirer l'air des fêtards
Et siffler leurs grandes glaces transparentes et colorées
Comme si c'était les nôtres

A un certain moment tout s'inverse
On gravit les deux étages avec difficulté, pour un dernier verre
Ou un thé

Quelques boulangers braillent déjà dans les environs
Mais je sais que bientôt ils iront se coucher, comme toi
C'est bien le meilleur moment alors pour s'installer à la balustrade
Et regarder dans l'espace la nuit qui finit



V


Les mouches et les cousins ont envahi la ville
Leurs formes démesurées se balancent sur nos plafonds tropicalisés
On héberge des moustiques en vacances qui débarquent en car pour fuir la Provence
Trop fraîche à leur goût

Les chiens s'affaissent sur l'asphalte, les plantes hululent en s'écroulant
La rue déserte de l'après midi fait rêver à une ville mexicaine et salée
Et la mer si lointaine fait regretter le lac si proche
Quand on n'a pas la force d'aller s'y tremper

C'est l'avènement, le règne de la bouteille minérale, qui miraculeusement
Guérit les croûtes au fond de la gorge
Tongs, tatanes et nus-pieds flappent flappent leur rythme guerrier
Un verre à la main, on a d'yeux que pour la geta du voisin, si brillante

Devant la gare les ouvriers entament un rodéo syndical
Les monceaux de voitures s'absorbent mutuellement
Dans les gaz mortels et les jurons interminables
Des professionnels de la route

Quelques mètres à pied, quelques litres de sueur pour le marchand de tabac
A vélo la fraîcheur enivrante d'une descente bien négociée,
A la montée l'enfer est au dessus de nous
Et, des papillons dans les yeux, on crache ses poumons

Quelques grand-mères résistent encore aux ventilateurs
Mourir au chaud serait-il préférable ?
La mienne en tout cas semble le penser, du haut de son 5ème plein sud
Elle domine la plaine de son regard plein de révolte devant ses géraniums délavés

Alors que la nuit tombe je sais qu'il me reste encore quelques heures à étuver
Et quand le souffle tiède viendra se foutre de moi avant la levée du jour
Je ne serai pas la pour l'entendre, stupide animal qui dortAu lieu d'aller saluer le temps mort que nous octroie la chaleur de l'été

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