mardi 20 décembre 2011

Acrostiche circulatoire
















Errant dormeur aux poulaillers souterrains
Ne croise pas les regards crus des caméras en rut
Terre tes secrets sous les tonnelles d’acier des préaux
Retiens ton souffle au passage des détecteurs
Et retourne au trou si l’un d’entre eux te prend
Epuisé, à rôder au pied des tours-privilèges

Inoculés de bleu sont les yeux du geôlier
N’imagine même pas pouvoir te tirer de là 
Traversée impossible vers l’indocile rue
Elle qui te tient, te protège à la fois
Renonce. C’est lui qui tient la crosse.
Distendu, le temps se perd, dans les galeries officielles
Ils se touchent en déchiffrant tes tatouages identitaires
Tu le leur rends bien, chaude bête de foire
Effrayant les premiers, excitant les derniers

***

Susurrant ses mots doux à ton oreille glacée
Odieux, le geôlier les fait rouler dans le sang et la sueur :
Regarde-moi, joli spécimen
Tu ne peux pas gicler de tes fers, ils sont miens
Ici c’est le club très fermé des perdus d’avance
Enfers, certainement, mais toujours négociables

Demande-moi ce que tu voudras
En échange, laisse-moi te regarder

S’effleurant d’abord, le geôlier finit par se perdre
En contemplations soutenues et salées
Cristallisées sur les murs de ta cellule
Ou dans les draps qui l’absorbent, sa ronde de nuit terminée
Ultime errance qu’il s’offre avant de sombrer
Regard perdu, jouissance renouvelée, insuffisante
Son corps rompu aux attraits du prisonnier

***

Vertèbres libres jouant sous le derme élastique
Oraculaires sensations dans tes tripes qui se nouent
Il t’a donné la clé
Etrange geôlier qui te vénère, rampant dans sa tranchée

S’il n’avait procédé même qu’à un seul contact
Attouchement ou sévice, tu aurais compris le deal
Ni à l’un, ni à l’autre tu n’eus droit
Seulement à son iris bleu furieusement braqué toi

Il t’aime, errant dormeur aux poulaillers souterrains
Supportant mal l’idée de te partager aux détenus
Sacrifiant les derniers crédits de raison qui lui restent
Unissant cauchemars et fantasmes insensibles
Et vidant un chargeur sur ton corps acéré, il s’assouvit, enfin

Le jeu de l'acrostiche continue : mes trois victimes sont Paul Laurendeau, Daniel Ducharme et Jean-Basile Boutak. Allez-y les gars!

dimanche 11 décembre 2011

Première rencontre


Jan Rohlf, Untitled, from the series All the Guards Asleep


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Dragons forcenés au détour d’une nuit sans ailes, les brouillards agiles s’entorsent dans la tornade d’un climat de béton.
Dans le doute, d’incertains cendriers froids se remplissent, tout au long d’une patiente stance qui attend son fumeur.
Des rigoles dégoulinent les hululements des girls, qui piaulent, alarmant le chaland.
Le feulement des néons cuit les façades tendues de nuit qui t’accueillent, pluvieuses.
Fendant quelque foule anonyme et gainée de nylon tissé, de soie et de cuir, tu frôles des bêtes irrépressibles aux talons comme des poignards.
Leurs regards mouillés et dégoulinants font suer des rivières de charmes sur leurs joues rosées, mineures et camées.
Le chef dolent, le cil abaissé, tu masques tes examens, celant sous le professionnalisme, l’avidité.
Le cerbère oblique et black t’a détecté à la volée, et il te cède, en ennemi complaisant, la priorité réservée aux crevures.
Dès lors, les tafeurs de la nuit garderont par devers eux leur joie de vivre.
La déesse du vestiaire te payera d’une froide œillade ton assidu sourire glacé.
Les amas compacts qui s’entrechoquent dans les basses t’ignorent, et leur grâce chaloupée te fait vaciller.
Peu importe : les affaires reprennent.
Des murmures ourdis aux oreilles attentives, d’imperceptibles fixations, des protections engagées, des dettes contractées se succèdent. La routine.
Une espèce de contact programmé et sans intérêt retient seulement ton attention.
Une légère incursion dans un univers étrange et vide, celui du jour. Elle vient de là.
Tu lui jettes quelques sourires de contrefaçon pour te débarrasser de la fade personnification de ton ennui le plus rude.
Mais, curieux de nature, tu enquilles pour évaluer la résistance du spécimen.
Quelque chose se produit, dans cet échange stupide.
Des miroirs qui s’épanchent dans ses gestes, dans ses hésitations.
Des reflets qui se traînent aux contours de sa voix, de ses alcools.
Des résonances qui s’ancrent dans ses silences, dans sa vigilance souterraine.
Des instants fébriles reviennent à eux, à l’intérieur de tes souvenirs vitrifiés, amputés.
De tes dépendances, tu imagines une filière humaine, soustraite à toi, à ta trajectoire-limite.
Tu te prends au jeu de l’exploration adelphique, partielle et tentaculaire.
Tu écoutes.
Tu cherches les fondamentaux, ces pyramides bardées de barbelés qui t’éblouissent et qui te fournissent un prétexte pour rempiler.
Et tu les trouves.

La nuit s’érode et le palier salé du club se tranquillise, fané.
Tu ne comprends pas la stupeur qui luit à sa surface, quand tu évoques vos futurs probables.
Tu avais dû mal régler tes indifférences.

jeudi 8 décembre 2011

, Mais.... le recueil de Richard Monette est sorti cette semaine








Poésie exploratoire et tranchante, Monette nous rend les mots étranges. Un butin subtilement agencé pour faire crever des poches d'émotion tapies au sein du lecteur.

A lire!


 
 
 
 
Glaces
(prise 2)

De l’origine l’épaule rouille l’horizon

L’évolution
De poussières et d’eau sortant ses pas du désert
Égoïste et sans scrupule
Par la naissance des villes,
L’humain de glaces
À coeur caverne
À corps gratte-ciel
À cancer de racines en cimes
Et des organisations sociales,
Recréant (peureux) son environnement
D’idées fières, mais fiévreuses
Dans l’abondance meurtrière d’ornières sécurisantes
Jusqu’à ses enfants calfeutrés
Dans l’ignorance maladive de la santé
C’est son ère sans air
Et sa terre à gale d’asphalte
Hait le monde vivant,
Est sans avenir
Ses rivières décadentes nervures acides

À la mer l’homme mouille la mort
 
 
, Mais... sur le site d'ELP éditeur