mercredi 25 janvier 2012

Invisibles et tenaces : un témoignage d'Allan E Berger



Quand j'ai découvert les premiers tableaux d'Invisibles et tenaces sur le blog d'Allan E Berger j'ai tout de suite contacté Allan : "Hey, est-ce que je peux diffuser tes chroniques sur fb?" Impossible de ne pas vouloir partager ces bijoux-témoignages, tout droit sortis des poubelles, littéralement, de nos jolis open spaces rutilants.

D'autres auront une bien meilleure plume que moi pour éclairer la trame idéologique et politique qui dessine les motifs d'une révolte couvant sous les lignes, à commencer par Paul Laurendeau dans son entretien avec l'auteur que je recommande ici.

Mais de quoi parles-tu donc? On comprend rien.
Mais de ceci :

" Les invisibles sont les gens qui nettoient. Rares sont les humains qui leur adressent la parole. Depuis que moi-même je suis devenu un membre de la confrérie, je fais l’expérience étrange de souhaiter le bonjour à des bipèdes qui ne me répondent seulement pas, et dont le regard me coule dessus comme si j’étais un fantôme. Passant l’aspirateur dans un bureau, j’avise un employé arrivé très tôt, qui lit un journal de la veille en sirotant son tout premier café ; mon salut ne lui fera même pas lever les yeux. Déroulant un tuyau d’arrosage dans la cave d’un immeuble de banlieue, je reçois l’accolade cordiale du préposé au nettoyage des poubelles. Remontant à la surface, je croise dans l’entrée de l’immeuble un occupant matinal encombré de croissants ; les bandes réfléchissantes de mon costume signalent à son attention qu’il n’y a ici personne avec qui devoir être poli. C’est ainsi : les concierges, les gardiens, les hommes et les femmes de ménage nous détectent et nous apostrophent sans difficulté, mais les autres civils ont tendance à vouloir nous éviter. Tout comme les clochards et les ivrognes, nous sommes désagréables à considérer.
Pour avoir vécu pendant des années de l’autre côté de la paroi de verre, je pense que cette froideur est principalement la résultante de deux émotions très puissantes qui sont le désarroi et la timidité. Car le mépris est plutôt rare : je ne l’ai ressenti qu’une seule fois, lorsque j’ai nettement réalisé que j’avais sali de ma parole la personne que je venais de saluer. "

Treize textes. Treize tableaux comme autant de portes sur un univers méprisé et pourtant indispensable. Treize récits ouvragés sur les ouvriers de la pureté, qu'une logique bien huilée tient confinés aux horaires crépusculaires et aux cagibis sociaux. Toute la brutalité d'un monde dans treize tableaux brodés de perles qui dessinent, avec amour, des caractères, des individus, des personnes qui méritent autant que n'importe qui qu'on les écoute et qu'on leur parle.

C'est sur un mode subtile, acéré, sans concession, drôle, auto-critique, mais également plein de sincérité et sans bon sentiment, qu'Allan E Berger a choisi de raconter ses journées d'écrivain en immersion dans le monde des nettoyeurs, mettant au service des ignorés treize mémorables pièces, dorées à la feuille, et qui leur sont dédiées.

Les chroniques ont été regroupées et viennent de sortir chez ELP éditeur, disponible uniquement en numérique, chez Immatériel.

Vers la page d'Allan E Berger sur ÉLP éditeur: http://www.elpediteur.com/catalogue.htm#berger
site http://www.elpediteur.com/
mag http://www.ecouterlirepenser.com/
blog http://elpediteur.wordpress.com/









mercredi 18 janvier 2012

Dead 1970, 1968 (Larry Clark – série Tulsa)

Vers la photo

Quand déferas-tu ton lit, à nouveau, étrange archange croisé au détour d’un insoupçonné hasard ? Des dimanches radieux et froids s’entremettent pour nous. Sur les moirures du lac, la lumière frise, glaciale, pour mieux m’enterrer dans ton miroir.  

Un échec entre les doigts serrés, tu te laisses rêver, dans un geste inutile et fier.
Sous la brisure de la capture qui te fige, danse l’hésitation de tes yeux de fer.
L’armure des draps, sous ta peau nue, écume les vibrations de ton corps vivant, encore vivant.

Toute cette fureur facétieuse, dans un être irréel, à demi déguisé en jeune homme bien sous tous rapports et prêt à en découdre. Isolée, l’impression présage de soubresauts livides ou de grands moments calmes et silencieux.

Personne ne sait ce que tu vois, qui tu regardes, s’ils sont nombreux ou absents.
Mais tous tes spectateurs imaginent être à ta place, dans cette errance de regard, entre la perte et l’abandon. Le mien entre en dévoration, se détruit, explose et meurt, terrassé, comme j’imagine, la lentille qui t’a capturé.

Ta prison d’acétate échoue à domestiquer les ravages qui emplissent soudain l’espace de la maison de maître qui t’abrite auprès du lac, comme un secret oublié, loin de Tulsa. Et les murs vénérables s’abolissent, détruisant au passage les précieux clichés des autres preneurs d’otages, bien accrochés à leurs cimaises qui s’effondrent, tendrement.

Car il faut bien un désert consacré à ton étude, pour arrimer enfin une pensée aux champs de bataille que tu sèmes nonchalamment. Pour donner corps au tempo désordonné qui s’invite entre nous il n’y a qu’un mot : enragé.

Il n’y a pas d’instant magique pour cette rencontre, il n’y a que l’écho qui brise ma lumière, dans les heures stupides à feuilleter des pages au hasard. Il n’y a pas de révélation, il n’y a qu’un reflet flou qui accroche mon regard comme un harpon.

Il n’y a pas de stupeur. Il n’y a qu’un coup, un seul.



samedi 14 janvier 2012

La nuit de tous les maux est sorti cette semaine

ÉLP éditeur, la maison d’édition francophone à vocation transatlantique 100% numérique, publie son 18e titre : La nuit de tous les maux d’Anne Guélikos.

La nuit de tous les maux est un roman mythologique qui nous expose les premiers actes du théâtre cosmogonique tels que l’ont imaginé les anciens Grecs. Il raconte la période de temps qui va depuis l’époque où les hommes, asexués, immortels et innocents, ne vivaient pas vraiment, se contentant d’exister, jusqu’à celui où, devenus mortels, soumis aux maux et aux passions, ils purent survivre en étant hommes et femmes. Entre ces deux états, Prométhée et son fils Deucalion agirent, contre la volonté de l’Olympe pour le premier, en ignorant presque tout des dieux pour le second. Dans La nuit de tous les maux, vous lirez le Déluge, vous observerez Héphaïstos en sa gentillesse, vous découvrirez les conséquences tragiques de l’amour de Prométhée pour la race humaine, vous prendrez connaissance du rôle incroyable de Pandore, que l’on réduit trop souvent à n’être qu’une nunuche esthétique munie d’une boîte. Vous serez également témoin des échanges secrets de Zeus et Héra, le divin couple suprême, cherchant à tout prix à imposer leur supériorité et à punir les dissidents. Vous verrez aussi les humains nouer leurs premières amitiés, subir la haine de leurs ennemis, qui les mèneront au bord de l’extinction, et résoudre l’épineux problème du vieillissement constant et irrévocable de la population.

Voilà ce que raconte La nuit de tous les maux : la montée de l’humanité, sa chute et sa survie dans un monde appartenant à de puissantes divinités. Un récit peuplé d’êtres immortels, de géants, de dieux, de déesses et de centaures, raconté tout simplement, afin que le plus profane des profanes n’y perde pas son latin. Nous trouvons que les enfants pourraient lire ce texte avec profit, car il est clair et net. Vous ne vous ennuierez pas. Anne Guélikos, très au fait de toutes ces histoires et passionnée de mythologie grecque depuis l’enfance, se charge ici de vous les transmettre.

Anne Guélikos est née et a vécu toute sa vie dans un petit village de la région de Lanaudière, au Québec, où il ne se passe jamais rien, pour son plus grand bonheur. La solitude et la tranquillité lui conviennent parfaitement puisqu’il y a suffisamment d’action en elle. Pour s’occuper, elle écrit de la mythologie grecque telle qu’elle se joue dans sa tête. Il y a un écran géant derrière son front et elle écrit ce qu’elle y voit, un remake de tout ce que les vieux auteurs lui ont raconté, de la riche diversité des personnalités, des émotions et des situations qu’ils lui ont offerte sur un plateau d’argent.
Lien vers la fiche d’auteur d’Anne Guélikos sur ÉLP éditeur : http://www.elpediteur.com/auteurs/a_guelikos.htm
Lien vers la librairie Immatériel où vous pouvez vous procurer cet ouvrage au prix de 4,99 euros:
http://librairie.immateriel.fr/fr/ebook/9782923916460/la-nuit-de-tous-les-maux
Les ouvrages d’ÉLP éditeur sont également en vente sur Amazon.fr, Kobobooks, Feedsbooks et, bien entendu, Apple Store.

samedi 7 janvier 2012

Trajectoire























Hasard errant dans canon d’acier
Il fait soleil
Au-delà des portes ouvragées
Que vous soudoyez en douce 

Un regard invisible
Mais filé comme le cristal
Dessine une ligne parfaite
Entre vous deux 

Dans l’agonie du matin
Les passantes à échasses
Ne ressentiront que le souffle
De vos soleils de cuivre 

A travers vos ultimes démarches
Se devinent des batailles achevées
Entre horreur et respect
Sous l’auvent de la folie 

Vos silences effilés rejoignent le caniveau
Tandis que vous marchez en file indienne
D’un bout à l’autre d’un monde
Qui n’est plus qu’éblouissement 

Des filets acides se fraient un chemin en vous
Comme pour accélérer la cadence
Sans issue et sans voix
Devant l’ultime rempart 

Quand vos ennemis vous font face
Et qu’ils se mettent à rire
Il n’y a plus qu’à tirer
Pensez-vous