mardi 28 juillet 2009

Brise-glace

Esther l’avait rencontré un soir de veille – veille de départ. Comme a chaque veille, l’atmosphère morose et alourdie par la perspective de longs mois de glace. L’équipage restait à proximité du vaisseau jusqu’à l’embarquement qui se ferait à l’aube. Esther les avait rejoint et ils avaient écumé ensemble, dès cinq heures de l’après-midi et en silence, les cinq bouges qui bordaient le quai auquel était amarré l’Architecte. Elle avait pensé rester avec eux jusqu’à l’aube, embarquer avec eux, mais elle était retournée chez elle pour finir la nuit. Elle revint au port peu après le lever du soleil mais personne ne le remarqua. Inutile de dire que vers une heure du matin, ils étaient tous déjà bien imbibés. Quelques rires trouvaient la sortie, se détendaient. Esther eut besoin d’air frais pour pouvoir continuer à boire. Elle sortit sur le bitume du quai qui s’étendait au-delà de son champ de vision. L’Architecte était le seul bateau amarré. Trapu, massif, le brise-glace patientait comme un monstre, indifférent aux tourments de son futur équipage qui tentait désespérément de repousser le temps, pour jouir encore un peu de la terre et des filles, qui tenaient encore un peu à distance de leur cerveau la folie de l’expédition.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire