mardi 28 juillet 2009

Elle arrive

Elle arrive. Elle arrive. Elle nous submerge et nous recouvre. Nous buvons la tasse.


Le premier dessin, à l’encre de chine, maculé, boueux, est un pied de fille, un pied. Les ongles teints, en noir évidemment, parce que l’encre froide est noire. C’est de l’encre de Chine. Le trait est net et fin, il sait où il va. La main qui tient la plume connaît ce pied par cœur. Pourtant, cette main et ce pied sont distants l’un de l’autre, des kilomètres. Ils n’appartiennent pas à la même personne. Si seulement.

Le pied prend position sur une surface soyeuse et épaisse. Blanche. Mousseuse. Le papier suffit à rendre sa consistance. Parce que c’est la manière dont le pied est dessiné qui montre qu’il est bien, là, sur ce parterre confortable. Il est détendu, lascif. Le pied ne se doute de rien. Les taches qui souillent ce dessin ne parviennent pas à m’ôter de la tête que la surface sur laquelle le pied repose est blanche, comme la poudre. Les taches renfoncent l’impression de confort, de laisser-aller, mais aussi de pureté. Elles me disent encore une chose. Elles me disent qu’il est là, avec moi, quand je découvre ses dessins. Et qu’il regarde. C’est lui le témoin et il ne quittera pas la pièce avant que tout soit terminé. Il s’amuse, marque sa présence en laissant des taches sur tout son ouvrage. Je trouve que c’est une manière obscène de s’inviter. Mais enfin, il est là et sans lui, il n’y aurait pas d’histoire.

Je regarde le dessin suivant. Déjà, l’action. Le cadre est envahi. Le cadre du pied féminin, nu, vulnérable, somnolent est accaparé sur un bon tiers par une forme oblongue et massive, une pâte noire et épaisse. En considérant les contours, on aperçoit que cette forme est un pied également, mais un pied chaussé, d’une pompe lourde, écrasante, plombée, blindée. Ce nouveau pied est planté là à quelques centimètres de l’autre, qui se raidit un peu, les ongles miroitant des ombres inquiètes au-dessus d’eux. Mais le pied nu bouge à peine, il frissonne seulement, se contracte un peu. Ce n’est pas la peur qui vibre dans ses lignes. C’est l’excitation. L’autre ne renvoie rien qu’une lumière noire et une présence qui s’exprime par le vide et le silence. Il est à côté du vivant.

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