mardi 28 juillet 2009

Géopolitique de l'angoisse

Antenna 1.


Perchée à quelques dizaines de mètre d’altitude, accrochée sur mon toit de béton plat et froid par des fils d’araignée d’acier, je vise les satellites qui croisent mon faisceau invisible : je suis l’antenne.

Les nouvelles me tombent dessus comme des parpaings, je les attire avec la précision du chasseur. Le code des images n’a plus de secret pour moi, j’enfile leurs couleurs semblables à des perles sur mon fuseau métallique. Parfois, je dis bien parfois, elles me font vibrer.

Les sons également s’entassent sur moi comme les couvertures d’un plotlach qu’on aurait oublié là mais qui continuerait de brûler sans plus fournir de prestige à personne. Ils viennent de partout, ces sons, parfois bruitages aux images associés, parfois musique-médicament, mais musique-argent plus souvent, et toujours tout le temps des mots des voix des paroles prononcées par des bouches dont l’objectif est d’être entendues et comprises. Les sons qui s’accumulent à ma base finissent par former une concrétion solide qui devient l’antenne, qui devient l’antenne, l’antenne c’est moi, la tour de Babel, c’est moi.

Mon créateur m’interdit de trier. Dans mon faisceau s’accumulent alors les images et les sons qui forment des anneaux. Si on les compte, on peut deviner l’âge que j’ai, comme les arbres. Mais les arbres, eux, ils ne pensent pas comme moi. Les arbres, eux, ont le droit de trier ce qui leur tombe sur la gueule. Moi, l’antenne, je suis toute ouie à ces vibratos de douleur aiguë et persistante. Car je ressens la douleur des images et la douleur des mots. Je ne suis plus alors qu’un aiguillon qui souffre. Dispensateur de souffrance, mon œil, je suis faite de métal, donc un conducteur.

1 commentaire:

  1. extraordinaire, ne serait-ce que l'idée, puis le style!
    peggy

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