Je prétextai un achat urgent à faire au drugstore voisin pour les abandonner. Un truc de fille. Ils me laissèrent aller car ils n'étaient pas assez méchants pour laisser une fille pisser le sang sur sa chaise en pilotant des caméras de sécurité à distance. Ça devait les dégoûter un tout petit peu quand même.
Il pleuvait, je pris donc la voiture.
Ils ne se doutaient pas que je tournais la clé dans le contact avec la ferme intention de les planter là, avec leurs caméras de surveillance à gérer tous seuls. Je me suis sentie libre de prendre des vacances. C'était ça ou j'en massacrais un.
Au moment où j'arrivai à l'hôtel, il s'arrêta de pleuvoir. Le soleil même apparut et fit un saut dans le bleu de la piscine. C'était un motel plat, à un étage et moquette rouge partout, avec personne dans aucune chambre, à part moi et un vrp en bout de course.
Je me suis assise au bord de la piscine avec mon sac à mes pieds. Et j'ai laissé la pression descendre, jusqu'à ce que mes mains arrêtent de trembler et que ma nuque se décrispe un peu.
Le premier soir, je vidai le minibar et achetai encore de l'alcool. Le motel était situé à deux pas de l'autoroute, dans une plaine morne et inintéressante. Il n'y avait rien à voir dans les alentours, pas même une mine désaffectée ou un camp de réfugiés.
Ils essayèrent de me contacter. Je ne répondis jamais et éteignis mon portable. Je ne voulais pas entendre leurs lamentations et leurs menaces roulées dans la farine. Je ne voulais pas de leur argent qui puait la semence lyophilisée. Je ne voulais plus les regarder se pencher sur n'importe quelle surface plane avec ensuite dans le regard, des étincelles ineptes et desséchées.
Après deux jours, je repris le volant, et roulai sans m'arrêter jusqu'à la côte déchiquetée, salubre, aux cormorans qui criaillaient dans la tempête.
Je préférai la route au rail.
jeudi 12 mai 2011
mercredi 4 mai 2011
Merci à ces hommes... est le 11e titre d'ELP éditeur
ÉLP éditeur, la maison d’édition transatlantique 100% numérique, publie son 11e titre : Merci à ces hommes qui ont fait de moi une lesbienne de Josianne Massé.Montréal, sur le «prestigieux» Plateau Mont-Royal, une jeune femme lutte avec elle-même et le monde pour mettre en place son identité. Elle vit avec un homme plus vieux qu’elle, brillant musicien, artisan créatif, noceur alerte. Mais la relation s’enlise, perdant graduellement son ardeur et sa passion. Cette jeune femme, qui s’identifie par un simple Je, ressent une pulsion l’attirant de plus en plus fortement vers d’autres... De relation en relation, nous avancerons donc alors, avec elle, le long de l’inexorable dégradé émotionnel et sexuel la conduisant tout doucement vers son lesbianisme. Dans Merci à ces hommes qui ont fait de moi une lesbienne, le Bacardi coule à flots, la pression des pairs agit et vous saisit comme un éther vif, la jeunesse se brûle par les deux bouts. Elle chemine, en pénétrant encore et encore le sillon social dans la fente humide de la plus ancienne des blessures. Mais l’univers superficiel des fêtards montréalais début-de-siècle et les jets, clics et déclics des cyber-dragouilleuses, toutes intégralement tributaires de la nouvelle net-normalité, ne l’emportent dans leurs tourmentes si jeunes, si éphémères, si tragicomiques que pour mieux asseoir sa sagesse et sa compréhension radicale de l’une des grandes crises existentielles de notre temps tertiarisé, mondialisé, uniformisant: celle, inégalée, inouïe, du rapprochement intellectuel, émotionnel, sensuel et sexuel des genres… Je ne suis pas lesbienne parce que je n’ai pas trouvé l’homme pour moi. Je suis lesbienne parce que j’aime les femmes. Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’aime les femmes. Les hommes, je les aime différemment.
Josianne Massé est née en 1979 à Montréal. Au cours de la dernière décennie, elle a écrit pour un journal de quartier humaniste, pour un webzine culturel et pour un portail techno. Son écriture coup de poing lui vaut de multiples éloges dans l’antre de la blogosphère québécoise. Merci à ces hommes… est son premier roman.
Lien vers la fiche d’auteur de Josianne Massé sur ÉLP éditeur : http://www.elpediteur.com/auteurs/j_masse.htm
Lien vers la librairie Immatériel où on peut se procurer cet ouvrage au prix de 5 € ou 7 $ : http://librairie.immateriel.fr/fr/ebook/9782923916989/merci-%C3%A0-ces-hommes-qui-ont-fait-de-moi-une-lesbienne
Fondé à Montréal en 2005, ÉLP est un site d’expressions littéraires (http://www.ecouterlirepenser.com/) qui regroupe une vingtaine de collaborateurs en provenance du Québec, de Suisse et de France. Au printemps 2010, l’équipe étend ses activités en mettant sur pied une maison d’édition 100% numérique – ÉLP éditeur – qui compte déjà onze titres à son actif.
mardi 26 avril 2011
Quatre-vingt printemps de Nicolas Hibon est le 10ème titre d’ÉLP éditeur

Ils sont sept. Ils se prénomment Janine, Mario, Josiane, Joseph, Émilienne, Fulgence, Émilien. Ils sont d’horizons divers : certains viennent de France, bien entendu, mais d’autres ont passé par le Portugal, la Pologne et le Sénégal pour en arriver là… Ils ont des trajectoires différentes : brocanteuse, mécanicien, femme au foyer, homme de lettres… Mais ils ont quelque chose en commun : ils sont vieux, très vieux même, et logent tous à l’Hospice du Soleil, un établissement qui porte le nom sinistre de CHSLD au Québec, c’est-à-dire de centre hospitalier de soins de longue durée. Mais contrairement aux pensionnaires habituels de ce genre de maison, nos vieillards ne s’en laissent pas imposer. Et cela fait d’eux des délinquants, des rebelles, voire des révolutionnaires… de quatre-vingt ans !
À notre époque, il ne fait pas bon faire de vieux os. Confinés comme d’antiques souvenirs au troisième étage de l’établissement qui les accueille, nos héros attendent la mort… Enfin, pas tout à fait. Entre parties de poker et plans de guerre en vue de damner le pion au personnel dirigeant de ce CHSLD qui terrorise les pensionnaires, nos vénérables et téméraires vieillards n’ont pas l’intention de se laisser faire. Et ils ne sont jamais à court d’idées pour améliorer l’ordinaire bien maigre que leur propose l’hospice. Jusqu’au jour où leurs petites combines de vieux délinquants prendront une tournure plus… politique.
Quand les anciens se déchaînent, qui s’attendrait à la révolution des déambulateurs et des marchettes ? Un livre attachant et plein d’humour dont la fraîcheur vient surprendre en ces temps de culte de la jeunesse.
Installé en Guyane depuis 1987, Nicolas Hibon partage son quotidien avec sa compagne javanaise et ses deux filles. Après avoir beaucoup voyagé, il a trouvé en Guyane un pays authentique où il a pu dérouler son hamac. Quatre-vingt printemps est son premier roman, mais des dizaines d’autres reposent en ses tiroirs…
Lien vers la fiche d’auteur de Nicolas Hibon sur ÉLP éditeur : http://www.elpediteur.com/auteurs/n_hibon.htm
Lien vers la librairie Immatériel où on peut se procurer cet ouvrage au prix de 5 € : http://librairie.immateriel.fr/fr/ebook/9782923916279/quatre-vingt-printemps
Fondé à Montréal en 2005, ÉLP un site d’expressions littéraires (http://www.ecouterlirepenser.com/) qui regroupe une vingtaine de collaborateurs en provenance du Québec, de Suisse et de France. Au printemps 2010, l’équipe fonde une maison d’édition 100% numérique – ÉLP éditeur – qui compte déjà dix titres à son actif.
À notre époque, il ne fait pas bon faire de vieux os. Confinés comme d’antiques souvenirs au troisième étage de l’établissement qui les accueille, nos héros attendent la mort… Enfin, pas tout à fait. Entre parties de poker et plans de guerre en vue de damner le pion au personnel dirigeant de ce CHSLD qui terrorise les pensionnaires, nos vénérables et téméraires vieillards n’ont pas l’intention de se laisser faire. Et ils ne sont jamais à court d’idées pour améliorer l’ordinaire bien maigre que leur propose l’hospice. Jusqu’au jour où leurs petites combines de vieux délinquants prendront une tournure plus… politique.
Quand les anciens se déchaînent, qui s’attendrait à la révolution des déambulateurs et des marchettes ? Un livre attachant et plein d’humour dont la fraîcheur vient surprendre en ces temps de culte de la jeunesse.
Installé en Guyane depuis 1987, Nicolas Hibon partage son quotidien avec sa compagne javanaise et ses deux filles. Après avoir beaucoup voyagé, il a trouvé en Guyane un pays authentique où il a pu dérouler son hamac. Quatre-vingt printemps est son premier roman, mais des dizaines d’autres reposent en ses tiroirs…
Lien vers la fiche d’auteur de Nicolas Hibon sur ÉLP éditeur : http://www.elpediteur.com/auteurs/n_hibon.htm
Lien vers la librairie Immatériel où on peut se procurer cet ouvrage au prix de 5 € : http://librairie.immateriel.fr/fr/ebook/9782923916279/quatre-vingt-printemps
Fondé à Montréal en 2005, ÉLP un site d’expressions littéraires (http://www.ecouterlirepenser.com/) qui regroupe une vingtaine de collaborateurs en provenance du Québec, de Suisse et de France. Au printemps 2010, l’équipe fonde une maison d’édition 100% numérique – ÉLP éditeur – qui compte déjà dix titres à son actif.
jeudi 14 avril 2011
Quand t'attendre
De vieux chevaux hantent mon sommeil Quand tu n’es pas dans mon lit Je soutiens que toi Tu ne dois pas te tuer à la tâche Alors que moi Je dois Je dois quoi ? Créer, produire, régler, Etre parfaite Parfaitement éveillée Par ton lointain coup de pédale Dans la nuit qui s’effondre Le matin retenu, encore Se fait menaçant Une nouvelle absence Non justifiée Je me souviens maintenant Des retours fébriles et précipités à minuit Et des silences épuisés Dans un sourire
mercredi 23 mars 2011
Ce dont je me souviens de Cremaster 3 sans l'avoir revu
Il est debout, sur la rambarde blanche du monument circulaire
Qu’on doit à un architecte célèbre
L’Apprenti
Il s’apprête à sauter
Sa bouche est comme une plaie
Et le sang qui la redessine, informe
Tranche singulièrement avec le saumon du tartan dont il est revêtu
Il est debout sur la rambarde blanche du monument circulaire
Et les danseuses de music hall qui l’attendent en bas
Dans la piscine intérieure
Rient
Les musiques sont mixtes
Fanfare et dark métal
Quand il saute, ce sont elles qui l’accueillent dans la mousse
Les danseuses
Etourdi, un peu, il secoue ses cornes et se lève
L’Apprenti
Il est prêt à grimper
Qu’on doit à un architecte célèbre
L’Apprenti
Il s’apprête à sauter
Sa bouche est comme une plaie
Et le sang qui la redessine, informe
Tranche singulièrement avec le saumon du tartan dont il est revêtu
Il est debout sur la rambarde blanche du monument circulaire
Et les danseuses de music hall qui l’attendent en bas
Dans la piscine intérieure
Rient
Les musiques sont mixtes
Fanfare et dark métal
Quand il saute, ce sont elles qui l’accueillent dans la mousse
Les danseuses
Etourdi, un peu, il secoue ses cornes et se lève
L’Apprenti
Il est prêt à grimper
vendredi 18 février 2011
Tes contours se font plus précis à mesure que le temps passe
J’écris à de lointains amis et à mesure que ma haine fluctue, ton image se fait en moi, et je sens ta main sur mon épaule, tendue et ta voix qui rigole dans mon oreille que tout est loin maintenant que tout est loin.
Que ferais-je pour un instant encore avec toi, un après-midi, ensoleillé dans ta cuisine, nos verres de vin et de quoi s’embrumer, je mettrai le monde à feu et à sang, mon ami, je mettrai le monde à feu et à sang.
L’hiver est ta saison maintenant, il l’a toujours été et dans ton regard bleu explosé par la glace et par la grâce je reste là à te contempler toi qui marches encore à côté de moi au bord du lac ton bras raide sous le mien et ton rire qui me fait mal et ton rire qui me fait mal.
Il n’y a plus rien maintenant mais quand est-ce qu’on arrêtera de pleurer dis-moi ?
Que ferais-je pour un instant encore avec toi, un après-midi, ensoleillé dans ta cuisine, nos verres de vin et de quoi s’embrumer, je mettrai le monde à feu et à sang, mon ami, je mettrai le monde à feu et à sang.
L’hiver est ta saison maintenant, il l’a toujours été et dans ton regard bleu explosé par la glace et par la grâce je reste là à te contempler toi qui marches encore à côté de moi au bord du lac ton bras raide sous le mien et ton rire qui me fait mal et ton rire qui me fait mal.
Il n’y a plus rien maintenant mais quand est-ce qu’on arrêtera de pleurer dis-moi ?
mercredi 9 février 2011
ARES1.0
Ça faisait plus d’une heure qu’elle végétait sous la douche. Le Petit, qui n’avait pas l’habitude de se faire patient, atteignait tranquillement de ses limites. Il ne se demandait même pas pourquoi elle restait coincée là, sous la douche. Il s’en foutait complètement. Ce qui lui importait, c’est que tout ce temps qu’elle passait sous la douche, elle ne le passait pas sous lui. Du temps qu’elle lui devait. C’était ce qu’il s’imaginait. Bizarrement, à ce moment-là, il ignorait pourquoi, il avait décidé de lui laisser ça, ce temps-là qu’elle pouvait se consacrer à elle-même, alors qu’elle aurait dû le consacrer à lui. Mais voilà, trop bon trop con. Il constatait encore une fois qu’on ne pouvait pas faire confiance aux autres, qu’ils abusaient systématiquement. En matière d’abus, lui, il en connaissait un rayon. On ne la lui faisait plus, à lui, depuis un bon bout de temps.
Il se leva lentement du lit de camp qui grinçait dans la pièce délabrée, vaste, inondée de lumière, qui contenait ses quelques effets personnels, abandonnables en quelques minutes si la flicaille se pointait. Depuis longtemps il s’était habitué à ne rien posséder. Le Moine, c’est ainsi qu’on aurait dû le surnommer. Il aurait aimé. Mais on ne l’avait pas surnommé ainsi. On l’avait surnommée le Petit, parce qu’il avait invariablement été, et de loin, le plus jeune, et donc le plus petit, parmi les pensionnaires de la maison de correction qu’il avait fréquentée régulièrement pendant son enfance. Le Petit teigneux, c’est comme ça que les éducateurs l’appelaient : « Eh toi, le petit teigneux, lâche ce couteau ! » C’était donc logiquement le Petit qui lui collait à la peau, même si aujourd’hui, à l’âge adulte, il avait atteint une taille convenable. Il s’en balançait. Le Petit, ça lui donnait un bête côté doux et gentil.
Il l’avait ramassée dans une ruelle, la nuit précédente. Elle sortait d’un rade planté juste avant la zone industrielle sinistrée où il habitait, près du fleuve. Elle rentrait chez elle, à pied, complètement bourrée, en parlant du cosmos. Il l’avait chopée contre un container en lui promettant un dernier verre dans son loft si elle se montrait gentille. Elle avait acquiescé, les yeux vides, mais le sourire aux lèvres, avenant. Un moment, elle l’avait même regardé en face. Ça l’avait un peu impressionné vu qu’il l’avait bousculée. Elle n’avait pas moufté. A croire qu’elle n’avait pas de système d’alarme intégré.
C’était une tronche. Sur le chemin elle balbutiait des choses sur un laboratoire expérimental où elle travaillait et sur des plantes. Des plantes particulières. Elle disait, des plantes de l’extrême, qui survivait dans des conditions hostiles, sans eau, sans lumière, sans oxygène, sans rien. Mais qui poussaient quand même. Elle avait passé des années à travailler sur ces plantes, à prouver qu’elles étaient viables, à développer des théories et maintenant, elle se faisait bouffer par elles. Les plantes, ses plantes, étaient aujourd’hui destinées à intégrer un module expérimental qui devait être installé à bord de ARES1.0. La viabilité de ces plantes particulièrement résistantes devait être mise à l’épreuve de l’atmosphère martienne. Dans la perspective d’un scénario nettement moins réjouissant, ces mêmes végétaux étaient envisagés comme ration de survie en cas de problème technique qui conduirait à prolonger le séjour des occupants de la navette. On leur reconnaissait en effet des vertus caloriques et non toxiques pour les humains. La fille crachait sur leur existence avec une énergie que le Petit n’avait vu auparavant déployée que chez des types terrorisés à l’idée se chier dessus en crevant. La fille n’avait pas l’air très étanche, ça l’avait excité.
Ils avaient pris du bon temps dans l’ancien atelier désaffecté qui lui servait de palais. Elle l’avait pris tel quel. Elle n’avait pas fait attention à ses maladresses, à sa brusquerie. Elle ne lui souriait pas perfidement, elle n’essayait pas de lui soutirer du fric, elle ne monnayait pas ses faveurs contre une protection. Elle ne riait pas exagérément à ses blagues. Elle ne lui faisait pas de vrai-faux regards dans les yeux. Elle ne cherchait pas à noyer le poisson. Elle ne le poussait pas à boire ou à prendre n’importe quelle came pour lui fracasser la gueule et ainsi le rendre inopérant. Elle ne consultait pas son portable à tout bout de champ. Elle ne parlait pas de ses copines, de ses problèmes de santé. Elle ne cherchait pas à provoquer en lui la pitié ou l’admiration. Elle ne se regardait pas dans le morceau de miroir biseauté qui tenait encore debout le long d’un mur quand il la baisait. Elle ne soupirait pas d’impatience. Elle ne se comportait pas comme une lolita jet-setteuse de dix ans passée de date. Il en avait connu, des Paris en bout de course, qui acceptaient de se faire tringler par lui parce qu’il n’était plus à la cote et que, justement à cause de ça, il devait le plus souvent raquer.
Elle était un peu plus âgée que la plupart des filles qu’il rançonnait d’habitude, mais elle était gratuite et pas trop mal foutue pour son âge, la trentaine entamée, brune, la coupe au carré, les yeux marron derrière les strictes lunettes à monture noire. Une petite nerveuse, physiquement. Entraînée, saine, des muscles peaufinés par une pratique bien dosée. Il le lui avait dit. Elle lui avait répondu qu’on l’avait forcée à une certaine discipline. Il sentait bien, aussi, un mental de Sioux scrutant l’horizon sur sa colline pendant des plombes. Il le lui avait dit aussi. Elle lui avait répondu la même chose. Il lui avait demandé pourquoi. Elle lui avait répondu que les rêves de certains faisaient les cauchemars des autres. C’était ça, cette fille : une universitaire, qui dix ans durant, la vingtaine, la fleur de l’âge, l’avait passée dans ses bouquins et s’était elle-même retranchée du marché du cul. C’était elle qui le disait. Avec d’autres mots. Elle avait beaucoup sacrifié à ses plantes. Ses plantes. Et il n’y avait qu’elle, il n’y avait qu’elle pour comprendre et anticiper leur délicate mécanique. Leur putain de délicate mécanique. Mais c’était seulement maintenant qu’elle se rendait compte du retard accumulé à cause de ces saloperies à photosynthèse qui faisaient d’elle la proie de leur succès. Elle décidait alors de réagir. Avec lui justement. Lui, il n’avait rien contre.
Il avait aimé ça, cette simplicité avec laquelle elle avait accepté tout ce qui lui proposait. Une fille qui le choisissait, enfin, c’était pas mal pour une fois, une fille qui disait oui parce qu’elle était d’accord et pas parce qu’elle était aux abois ou que c’était dans son intérêt. Ça faisait plaisir. Une tronche. Qu’est-ce qu’elle foutait là ? Il s’était posé plusieurs fois la question, entre deux tours de piste, mais faute d’avoir le courage de la lui poser, il avait décidé que c’était pour son charme irrésistible et pour rien d’autre. Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas eu l’occasion d’en arriver à une telle conclusion. Il n’était pas stupide. Il savait très bien que la fille était raide et qu’elle ne garderait de cette nuit qu’un vague souvenir nauséabond. Mais elle se comportait comme si ce n’était pas le cas, comme s’il était réellement attirant, comme s’il elle prenait du plaisir, comme si elle passait un bon moment, vraiment. C’était troublant.
Ce qui le sciait, ce matin, par-dessus tout, ce qui le faisait hésiter à la dégager de la douche à grand coups de pompes, c’est elle qu’était restée. Elle s’était endormie sur le canapé défoncé en face du miroir et comme elle avait froid, elle avait tiré sur elle le premier truc qui lui était tombé sous la main. C’était sa veste, au Petit. Il l’avait surpris comme ça, après avoir été pisser. Il s’était assis sur le lit de camp, et il était resté là, jusqu’à ce que le jour se lève et arrose de sang les murs glacés de l’atelier. Il n’avait pas pu dormir. Il était resté assis là, à la regarder, clope après clope, à se demander pourquoi elle n’avait pas fui après la première fois où il avait joui sur elle.
Et maintenant elle prenait racine sous la douche, le boiler devait avoir rendu l’âme et lui, il n’avait même pas pu se laver. Pas qu’il y tint absolument, mais quand même, ça lui arrivait, surtout après une nuit de cet acabit. Il se décida d’aller taper à la porte de la salle de bain, mu par une sorte de pseudo-réflexe de timidité qui confinait au respect de la personne. Il ne se reconnaissait pas bien. Aucune réaction de l’autre côté de la porte. Sa nature reprit alors le dessus, il débarqua d’un coup de talon sec. Une torpeur froide saturait la pièce exiguë carrelée de blanc du sol au plafond. Il ne distinguait pas bien son propre visage émacié, encerclé de mèches noires qui collaient automatiquement à ses tempes à cause de l’humidité, et ses yeux sombres fatigués, un peu fiévreux, dans la glace moisie au dessus du lavabo. Ses pieds nus rencontrèrent avec un peu de dégoût la fine couche d’eau qui s’étalait sur les pourtours de la cabine, dont la porte coulissante était démontée. Elle s’y tenait assise, bien au fond, les genoux remontés devant les yeux, les bras en position défensive, la peau livide, le corps secoué.
Premier réflexe, une fille en manque. Il rejeta l’hypothèse parce qu’elle n’avait pas le profil et qu’elle n’avait rien pris, en tout cas pas avec lui. Elle n’était pas défoncée quand il l’avait récupérée dans la rue. Il connaissait assez bien ces filles pour savoir qu’elle n’avait pas la carte du petit club des reines de la défonce. Elle s’était torché la tête à l’alcool, point barre. Pas de quoi se faire une comitiale. Si ? Peut-être. Peut-être que c’était l’alcool. Le Petit s’assit en tailleur par terre dans la flaque et observa sa partenaire à la recherche d’indices. Elle sanglotait. Ses mains s’ouvraient et se refermaient parfois, convulsivement, mais elle ne semblait pas en perte de contrôle. C’était autre chose. Elle leva la tête un moment et réalisa sa présence. Il examina ses yeux qui clignaient, vifs, réactifs, bourrés d’angoisse. Il fut rassuré. Un truc tout bête, c’était. Une simple crise de panique. Une scientifique qui se faisait un flip parce qu’elle s’était laissée aller, un peu trop, qu’elle se retrouvait, dans la zone industrielle, coincée avec, de l’autre côté de la porte, un inconnu, un sale type, un malade qui n’attendait que ça, qu’elle sorte, pour recommencer à la sauter, et qu’elle n’avait pas envie. Plus envie. Elle voulait retrouver sa vie. Sa vie d’avant. Ses livres, ses instruments, son appartement solitaire, son ordinateur, ses chiffres, son labo, ses plantes de l’extrême. Sauf que maintenant, c’était elle qui était de l’extrême. Elle regrettait. Elle n’aurait pas dû.
Il était un peu déçu. Il aurait bien aimé que l’illusion se prolonge encore un peu pour lui. Qu’elle disparaisse dans son monde d’universitaires sans vraiment réaliser sa nuit. Mais non, il fallait qu’il se prenne encore ça dans la gueule, son dégoût, identique à celui des autres filles. Malgré tout, il lui était reconnaissant, pour ça, pour avoir maintenu le mirage jusqu’à la fin de la nuit. Le jour, salopard, reprenait ses droits. Le Petit, il n’était pas du jour. Il ne lui en voulait pas, elle n’était pas de son territoire, des peuples déglingués du trottoir et des cages d’escalier, des vodkas de contrebande, des clopes de l’est, des fast-foods de la came à bon marché, des aubes froides et des crépuscules passés assis au bord du fleuve, jambes pendantes au-dessus du vide. Il abandonna. Il ne voulut plus la taper parce qu’elle squattait la douche. Il ne savait plus trop ce qu’il voulait.
Il allait se lever au moment précis où elle s’éjecta de la cabine et qu’elle l’attrapa avec, dans son mouvement, une panique épaisse, puissante et indigeste qui le fit glisser avec elle dans la mare d’eau refroidissante. Il se senti trempé, maladroit et, en même temps, particulièrement utile à quelqu’un. Il ne savait pas où mettre ses mains, contrairement à la nuit passée. Après avoir essayé de la stabiliser – c’est comme si elle voulait se cacher quelque part derrière lui ou sous lui – il décida de se laisser agripper comme un vulgaire rocher. Ils restèrent un moment comme ça, en silence, baignés par la marée montante de la douche froide qui déconnait. Il eut le sentiment d’entendre la mer, quand les sanglots se répercutèrent moins fort contre les murs de céramique. Il entendit alors, dans le creux son oreille, alors qu’elle maintenait les phalanges bien plantées dans sa peau, ces quelques mots, qui le firent douter : « Je veux pas y aller. »
Elle dressa la nuque vers le vasistas couvert de poussière qui laissait passer un rectangle bleu dégueulasse, et son regard transperça le verre. Il fusa vers le ciel azur de ce matin sans nuages, fallacieux écran derrière lequel les astres restaient invisibles. Elle savait dans quelle direction se cachait la planète qui l’attendait. Ils se revirent encore, plusieurs fois, avant son départ.
Il se leva lentement du lit de camp qui grinçait dans la pièce délabrée, vaste, inondée de lumière, qui contenait ses quelques effets personnels, abandonnables en quelques minutes si la flicaille se pointait. Depuis longtemps il s’était habitué à ne rien posséder. Le Moine, c’est ainsi qu’on aurait dû le surnommer. Il aurait aimé. Mais on ne l’avait pas surnommé ainsi. On l’avait surnommée le Petit, parce qu’il avait invariablement été, et de loin, le plus jeune, et donc le plus petit, parmi les pensionnaires de la maison de correction qu’il avait fréquentée régulièrement pendant son enfance. Le Petit teigneux, c’est comme ça que les éducateurs l’appelaient : « Eh toi, le petit teigneux, lâche ce couteau ! » C’était donc logiquement le Petit qui lui collait à la peau, même si aujourd’hui, à l’âge adulte, il avait atteint une taille convenable. Il s’en balançait. Le Petit, ça lui donnait un bête côté doux et gentil.
Il l’avait ramassée dans une ruelle, la nuit précédente. Elle sortait d’un rade planté juste avant la zone industrielle sinistrée où il habitait, près du fleuve. Elle rentrait chez elle, à pied, complètement bourrée, en parlant du cosmos. Il l’avait chopée contre un container en lui promettant un dernier verre dans son loft si elle se montrait gentille. Elle avait acquiescé, les yeux vides, mais le sourire aux lèvres, avenant. Un moment, elle l’avait même regardé en face. Ça l’avait un peu impressionné vu qu’il l’avait bousculée. Elle n’avait pas moufté. A croire qu’elle n’avait pas de système d’alarme intégré.
C’était une tronche. Sur le chemin elle balbutiait des choses sur un laboratoire expérimental où elle travaillait et sur des plantes. Des plantes particulières. Elle disait, des plantes de l’extrême, qui survivait dans des conditions hostiles, sans eau, sans lumière, sans oxygène, sans rien. Mais qui poussaient quand même. Elle avait passé des années à travailler sur ces plantes, à prouver qu’elles étaient viables, à développer des théories et maintenant, elle se faisait bouffer par elles. Les plantes, ses plantes, étaient aujourd’hui destinées à intégrer un module expérimental qui devait être installé à bord de ARES1.0. La viabilité de ces plantes particulièrement résistantes devait être mise à l’épreuve de l’atmosphère martienne. Dans la perspective d’un scénario nettement moins réjouissant, ces mêmes végétaux étaient envisagés comme ration de survie en cas de problème technique qui conduirait à prolonger le séjour des occupants de la navette. On leur reconnaissait en effet des vertus caloriques et non toxiques pour les humains. La fille crachait sur leur existence avec une énergie que le Petit n’avait vu auparavant déployée que chez des types terrorisés à l’idée se chier dessus en crevant. La fille n’avait pas l’air très étanche, ça l’avait excité.
Ils avaient pris du bon temps dans l’ancien atelier désaffecté qui lui servait de palais. Elle l’avait pris tel quel. Elle n’avait pas fait attention à ses maladresses, à sa brusquerie. Elle ne lui souriait pas perfidement, elle n’essayait pas de lui soutirer du fric, elle ne monnayait pas ses faveurs contre une protection. Elle ne riait pas exagérément à ses blagues. Elle ne lui faisait pas de vrai-faux regards dans les yeux. Elle ne cherchait pas à noyer le poisson. Elle ne le poussait pas à boire ou à prendre n’importe quelle came pour lui fracasser la gueule et ainsi le rendre inopérant. Elle ne consultait pas son portable à tout bout de champ. Elle ne parlait pas de ses copines, de ses problèmes de santé. Elle ne cherchait pas à provoquer en lui la pitié ou l’admiration. Elle ne se regardait pas dans le morceau de miroir biseauté qui tenait encore debout le long d’un mur quand il la baisait. Elle ne soupirait pas d’impatience. Elle ne se comportait pas comme une lolita jet-setteuse de dix ans passée de date. Il en avait connu, des Paris en bout de course, qui acceptaient de se faire tringler par lui parce qu’il n’était plus à la cote et que, justement à cause de ça, il devait le plus souvent raquer.
Elle était un peu plus âgée que la plupart des filles qu’il rançonnait d’habitude, mais elle était gratuite et pas trop mal foutue pour son âge, la trentaine entamée, brune, la coupe au carré, les yeux marron derrière les strictes lunettes à monture noire. Une petite nerveuse, physiquement. Entraînée, saine, des muscles peaufinés par une pratique bien dosée. Il le lui avait dit. Elle lui avait répondu qu’on l’avait forcée à une certaine discipline. Il sentait bien, aussi, un mental de Sioux scrutant l’horizon sur sa colline pendant des plombes. Il le lui avait dit aussi. Elle lui avait répondu la même chose. Il lui avait demandé pourquoi. Elle lui avait répondu que les rêves de certains faisaient les cauchemars des autres. C’était ça, cette fille : une universitaire, qui dix ans durant, la vingtaine, la fleur de l’âge, l’avait passée dans ses bouquins et s’était elle-même retranchée du marché du cul. C’était elle qui le disait. Avec d’autres mots. Elle avait beaucoup sacrifié à ses plantes. Ses plantes. Et il n’y avait qu’elle, il n’y avait qu’elle pour comprendre et anticiper leur délicate mécanique. Leur putain de délicate mécanique. Mais c’était seulement maintenant qu’elle se rendait compte du retard accumulé à cause de ces saloperies à photosynthèse qui faisaient d’elle la proie de leur succès. Elle décidait alors de réagir. Avec lui justement. Lui, il n’avait rien contre.
Il avait aimé ça, cette simplicité avec laquelle elle avait accepté tout ce qui lui proposait. Une fille qui le choisissait, enfin, c’était pas mal pour une fois, une fille qui disait oui parce qu’elle était d’accord et pas parce qu’elle était aux abois ou que c’était dans son intérêt. Ça faisait plaisir. Une tronche. Qu’est-ce qu’elle foutait là ? Il s’était posé plusieurs fois la question, entre deux tours de piste, mais faute d’avoir le courage de la lui poser, il avait décidé que c’était pour son charme irrésistible et pour rien d’autre. Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas eu l’occasion d’en arriver à une telle conclusion. Il n’était pas stupide. Il savait très bien que la fille était raide et qu’elle ne garderait de cette nuit qu’un vague souvenir nauséabond. Mais elle se comportait comme si ce n’était pas le cas, comme s’il était réellement attirant, comme s’il elle prenait du plaisir, comme si elle passait un bon moment, vraiment. C’était troublant.
Ce qui le sciait, ce matin, par-dessus tout, ce qui le faisait hésiter à la dégager de la douche à grand coups de pompes, c’est elle qu’était restée. Elle s’était endormie sur le canapé défoncé en face du miroir et comme elle avait froid, elle avait tiré sur elle le premier truc qui lui était tombé sous la main. C’était sa veste, au Petit. Il l’avait surpris comme ça, après avoir été pisser. Il s’était assis sur le lit de camp, et il était resté là, jusqu’à ce que le jour se lève et arrose de sang les murs glacés de l’atelier. Il n’avait pas pu dormir. Il était resté assis là, à la regarder, clope après clope, à se demander pourquoi elle n’avait pas fui après la première fois où il avait joui sur elle.
Et maintenant elle prenait racine sous la douche, le boiler devait avoir rendu l’âme et lui, il n’avait même pas pu se laver. Pas qu’il y tint absolument, mais quand même, ça lui arrivait, surtout après une nuit de cet acabit. Il se décida d’aller taper à la porte de la salle de bain, mu par une sorte de pseudo-réflexe de timidité qui confinait au respect de la personne. Il ne se reconnaissait pas bien. Aucune réaction de l’autre côté de la porte. Sa nature reprit alors le dessus, il débarqua d’un coup de talon sec. Une torpeur froide saturait la pièce exiguë carrelée de blanc du sol au plafond. Il ne distinguait pas bien son propre visage émacié, encerclé de mèches noires qui collaient automatiquement à ses tempes à cause de l’humidité, et ses yeux sombres fatigués, un peu fiévreux, dans la glace moisie au dessus du lavabo. Ses pieds nus rencontrèrent avec un peu de dégoût la fine couche d’eau qui s’étalait sur les pourtours de la cabine, dont la porte coulissante était démontée. Elle s’y tenait assise, bien au fond, les genoux remontés devant les yeux, les bras en position défensive, la peau livide, le corps secoué.
Premier réflexe, une fille en manque. Il rejeta l’hypothèse parce qu’elle n’avait pas le profil et qu’elle n’avait rien pris, en tout cas pas avec lui. Elle n’était pas défoncée quand il l’avait récupérée dans la rue. Il connaissait assez bien ces filles pour savoir qu’elle n’avait pas la carte du petit club des reines de la défonce. Elle s’était torché la tête à l’alcool, point barre. Pas de quoi se faire une comitiale. Si ? Peut-être. Peut-être que c’était l’alcool. Le Petit s’assit en tailleur par terre dans la flaque et observa sa partenaire à la recherche d’indices. Elle sanglotait. Ses mains s’ouvraient et se refermaient parfois, convulsivement, mais elle ne semblait pas en perte de contrôle. C’était autre chose. Elle leva la tête un moment et réalisa sa présence. Il examina ses yeux qui clignaient, vifs, réactifs, bourrés d’angoisse. Il fut rassuré. Un truc tout bête, c’était. Une simple crise de panique. Une scientifique qui se faisait un flip parce qu’elle s’était laissée aller, un peu trop, qu’elle se retrouvait, dans la zone industrielle, coincée avec, de l’autre côté de la porte, un inconnu, un sale type, un malade qui n’attendait que ça, qu’elle sorte, pour recommencer à la sauter, et qu’elle n’avait pas envie. Plus envie. Elle voulait retrouver sa vie. Sa vie d’avant. Ses livres, ses instruments, son appartement solitaire, son ordinateur, ses chiffres, son labo, ses plantes de l’extrême. Sauf que maintenant, c’était elle qui était de l’extrême. Elle regrettait. Elle n’aurait pas dû.
Il était un peu déçu. Il aurait bien aimé que l’illusion se prolonge encore un peu pour lui. Qu’elle disparaisse dans son monde d’universitaires sans vraiment réaliser sa nuit. Mais non, il fallait qu’il se prenne encore ça dans la gueule, son dégoût, identique à celui des autres filles. Malgré tout, il lui était reconnaissant, pour ça, pour avoir maintenu le mirage jusqu’à la fin de la nuit. Le jour, salopard, reprenait ses droits. Le Petit, il n’était pas du jour. Il ne lui en voulait pas, elle n’était pas de son territoire, des peuples déglingués du trottoir et des cages d’escalier, des vodkas de contrebande, des clopes de l’est, des fast-foods de la came à bon marché, des aubes froides et des crépuscules passés assis au bord du fleuve, jambes pendantes au-dessus du vide. Il abandonna. Il ne voulut plus la taper parce qu’elle squattait la douche. Il ne savait plus trop ce qu’il voulait.
Il allait se lever au moment précis où elle s’éjecta de la cabine et qu’elle l’attrapa avec, dans son mouvement, une panique épaisse, puissante et indigeste qui le fit glisser avec elle dans la mare d’eau refroidissante. Il se senti trempé, maladroit et, en même temps, particulièrement utile à quelqu’un. Il ne savait pas où mettre ses mains, contrairement à la nuit passée. Après avoir essayé de la stabiliser – c’est comme si elle voulait se cacher quelque part derrière lui ou sous lui – il décida de se laisser agripper comme un vulgaire rocher. Ils restèrent un moment comme ça, en silence, baignés par la marée montante de la douche froide qui déconnait. Il eut le sentiment d’entendre la mer, quand les sanglots se répercutèrent moins fort contre les murs de céramique. Il entendit alors, dans le creux son oreille, alors qu’elle maintenait les phalanges bien plantées dans sa peau, ces quelques mots, qui le firent douter : « Je veux pas y aller. »
Elle dressa la nuque vers le vasistas couvert de poussière qui laissait passer un rectangle bleu dégueulasse, et son regard transperça le verre. Il fusa vers le ciel azur de ce matin sans nuages, fallacieux écran derrière lequel les astres restaient invisibles. Elle savait dans quelle direction se cachait la planète qui l’attendait. Ils se revirent encore, plusieurs fois, avant son départ.
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