mercredi 19 janvier 2011

Inepties dans ta gueule

Je n'ai pas l'habitude d'utiliser ce blog pour présenter les fruits des autres vergers ni pour en faire de l'éloge ou la critique. Je me suis contentée jusqu'ici d'y déposer des trajectoires propres à mes vagabondages synaptiques. Mais il faut savoir décrocher parfois des habitudes et le spectacle que j'ai vu ce soir en vaut vraiment la peine.

Inepties volantes, donné ces jours au théâtre St-Gervais à Genève, est le récit creusé, trempé, craché d'un homme qui a vécu les trois guerres civiles qui ont ravagé le Rwanda dans les années 90. Et qui en est sorti, vivant, pour restituer cette reptation aux enfers.

Dieudonné Niangouna emploie un langage courant, vernaculaire, à la tournure incisive et remontée - par la gorge et par les tripes. Seul en scène, il n'est l'est pas, car à côté de lui - autour de lui on pourrait dire - joue en maïeuticien virtuose l'accordéoniste Pascal Contet. Qui fait vibrer son instrument, à la fois locomotive et écho de la mer à la ville de Pointe Noire, à la fois rumeur stridente des armes, à la fois sanglot.

Un rire se fait parfois dans la salle, quand le fugitif se retrouve coincé, entre deux chars, à pisser contre le mur du commissariat d'une ville dévastée comme une autre, les deux gueules de métal le menaçant directement. Invraisemblable rire que vient arracher Dieudonné Niangouna à l'auditoire.

Une association surprenante que celle de ces deux hommes, l'un conteur de fond, l'autre musicien de l'essouflement. Un grand silence s'est fait alors en moi, comme dans la salle, afin de laisser les mots imprégner mes cellules, afin d'y graver l'ordre chaotique, profondément poétique, des Inepties volantes.

A voir au Théâtre St-Gervais Genève jusqu'au 22 janvier.

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